Tuesday, June 15, 2010

Nannerl, la soeur de Mozart, de René Féret

Wolfang Amadeus Mozart a dix ans lorsqu'il part dans une tournée européenne avec ses parents; sa sœur aînée, prodige contrariée du fait de son sexe, participe aux concerts qu'il donne, et s'efface dans l'ombre de son petit frère. La famille s'arrête quelque jours dans une abbaye, où les trois dernières filles de Louis XV, roi dépravé à la multiple descendance, sont élevées loin de la cour. Nannerl s'attache à la plus jeune, Louise de France. Déguisée en garçon, elle rencontre et tombe amoureuse du Dauphin, le futur Louis XVI. Il lui demande des sonates, elle écrit, malgré l'interdiction de son père. Leur amour est de courte durée, et Nannerl, finalement déçue, consacrera le reste de sa vie à la musique de son frère.





Ce curieux scénario, bien loin des réalités, se joue grandement des faits historiques. En vérité, Nannerl, de son vrai nom Maria Anna Mozart, n'a probablement pas eu de rapport direct, encore moins amoureux, avec le maladroit Dauphin; elle ne quittera donc pas sa famille pour lui, et sera plutôt exclue des tournées familiale à cause de son âge, qui rend moins respectable la cohabitation avec son petit frère, du sexe opposé, sur les routes; elle retournera encore moins auprès de sa famille une fois son amour déçu, et ses ambitions musicales abandonnées, mais finira mariée à un veuf qu'elle n'aimera jamais, dans sa ville natale de Salzburg. Pourquoi romancer à l'extrême une histoire qui, grâce au seul mystère de son personnage principal, aurait pu avoir suffisamment de force dans la véracité? La discrétion de la véritable Nannerl aurait pu avoir suffisamment de poids, sans s'aventurer sur le chemin de l'imaginaire, et du mensonge; car, en faisant un film en costumes, le réalisateur René Féret propose au spectateur un cliché historique, dont on attend un brin de vérité.


Le sujet de la famille n'y est pas mieux abordé. Les routes n'apparaissent pas assez froides, les auberges pas assez rustiques, pour contraster avec le faste et la chaleur de la cour de Versailles. Dans ces conditions, la vie de quasi bohémiens des Mozart a l'air d'une gentille chevauchée, dans laquelle des parents aimants répondent au bonheur de leurs enfants épanouis. On distingue très vaguement que Nannerl souhaiterait cesser de toujours vadrouiller; qu'elle a un petit ressentiment envers son père, qui préfère le petit Wolfang; que ce père, justement, mène la vie dure à ses enfants, les faisant toujours répéter et répéter encore... Bref, quitte à ne pas voir une vérité historique, on aimerait bien être juste dans la chronique familiale.


Pourtant, le contexte de la famille est bien présent sur le tournage. René Féret fait camper sa fille aînée dans le rôle principal; sa seconde fille joue Louise de France; son fils est son assistant réalisateur; et sa femme monte, produit et distribue le film... Un film de famille donc, un film de vacances avec un petit budget. Côté mise en scène, la simplicité se rapproche avec lourdeur d'une reconstitution historique télévisée. Si les costumes sont réussis, les décors restent simples et peu nombreux; la caméra zoome avec grossièreté des émotions surjouées. Louise de France débite son texte de jeune fille instruite avec un zèle que ses mains d'enfants ne suivent pas; le Dauphin balade un air sombre et des sourcils à la Edward Cullen (Twilight, pour les incultes); quant à Nannerl, fade et un peu molle, elle n'a pas plus de charisme que son petit frère, petit chien de foire à la bouille mignonne et sérieuse.


Deux heures de films font se traîner la caméra dans des mouvements inutiles, le long de curieux déplacements des personnages, qui ne restent pas en place et évoluent comme pour combler le manque de profondeur du scénario. Leur texte, mal écrit, dans une langue lourde enjolivée, n'aide pas à capter l'attention du spectateur, qui se relâche au fur et à mesure que l'histoire du renoncement de Nannerl à l'amour et à la musique s'intensifie. Anna Maria Mozart aurait mieux fait de rester dans l'ombre, plutôt que d'apparaître en pleine de son destin sordide.


Nannerl, la sœur de Mozart
de René Féret
avec Marie Féret, Marc Barbé, Delphine Chuillot,...
sortie française: 09 juin 2010


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